Le ruban blanc : complément de programme

Publié le 22 Novembre 2009

Haneke est un moraliste qui a lu Pascal (la chute inaugurale du médecin s’apparente à une chute dans le mal) mais peut-être aussi Gombrowicz. Si ce nom ne vous dit rien et si la question des racines du mal taraudent votre conscience, alors réservez une seconde soirée pour lire Cosmos de Witold Gombrowicz, écrivain polonais qui a fui son pays en 1939. En voici un bref aperçu.

 

Le narrateur (Witold) et Fuchs, fuyant l’un sa famille, l’autre son chef de bureau, arrivent dans un village écrasé de chaleur (Zakopane) où ils recherchent une pension. Sur le bas côté de la route, dans un buisson, ils découvrent un moineau pendu. Pendaison énigmatique : « C’était un moineau. Un moineau à l’extrémité d’un fil de fer. Pendu. Avec sa petite tête inclinée et son petit bec ouvert. Il pendait à un mince fil de fer accroché à une branche (…). Cette excentricité hurlante indiquait qu’une main humaine s’était glissée dans ce taillis ». Ils se décident pour la pension la plus proche, celle des Wojtys, une pension sans attrait, « triste et médiocre, économique, munie d’un perron avare ». Cette pension pourtant les attire. On y découvre M. Wojtys, ancien directeur de banque, Bouboule, son épouse, Léna et Lucien, la fille et le gendre, Catherette aussi, la femme de ménage. Une enquête absurde conduira les deux protagonistes, chacun de son côté, à faire des découvertes insignifiantes et monstrueuses sur la famille qui les héberge, sur tout ce qui dévie (une bouche, par exemple), sur les mains de Léna et Lucien, normales en apparence, mais « pourquoi des mains normales ne se toucheraient-elles pas d’une façon anormale, voire crapuleuse, quelle garantie avait-on ? » Un matin on découvre le chat de Léna pendu, un chat que Witold a lui-même étranglé et pendu : « Il y a dans le chat quelque chose de mou, de duveteux, avec un besoin enragé de cris rauques, de grattements, de coassements, oui, de coassements horribles, le chat se prête à la caresse, mais aussi à la torture ». Les faits sont ténus, si l’on veut, d’autres le sont moins, par exemple « le fait de Lucien pendu, un fait brutal, capital, agressif, comme un taureau abruti, un fait énorme, accroché à un pin, avec ses souliers… ». Mais tous ces faits, et d’autres encore, disent la perversion, le mal radical, la compulsion maniaque qui hantent la conscience humaine.

 

Jean-Luc Jousse

Rédigé par immarcescible

Publié dans #cinéma

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F
<br /> Haneke a-t-il autant d'humour que Gombrowicz, ou même que Pascal ? Ou sa lecture ne retient-elle que l'abîme mis au jour par ces deux anatomistes des entrailles humaines ?<br /> <br /> <br />
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