Habemus Papam, Nanni Moretti

Publié le 8 Novembre 2011

Ça commence comme un western, avec des Peaux-rouges cernés par des gardes suisses et qui communiquent avec le monde extérieur au moyen de signaux de fumée. Ces « Peaux-rouges » sont en réalité des cardinaux réunis en conclave afin d’élire un énième successeur à Saint-Pierre. Ils prient, ces cardinaux, et chacun d’en appeler à la miséricorde divine : « Non ! pas moi, Seigneur ! », ou, pour parler comme Herman Melville dans Bartleby le scribe : « I would prefer not to » (je préférerais ne pas… être élu Pape). Mais c’est pourtant peut-être le plus Bartleby d’entre eux qui est finalement élu. Curieusement, il s’appelle Melville et est interprété par Michel Piccoli (qu’un autre cinéaste Italien avait déjà enfermé dans une citadelle eucharistique ; le film s’appelait La grande bouffe et, ne le dissimulons pas, était moins au goût de l’Eglise). Cette élection (pour ne pas dire électrocution divine) jette aussitôt Melville dans la dépression. Lui qui a gravi toutes les marches du pouvoir au sein de la hiérarchie ecclésiastique, bute sur la dernière (un peu haute, sûrement). Il se dit atteint d’une « sinusite psychique », expression peu usitée pour désigner la dépression nerveuse, mais particulièrement évocatrice.

 

Habemus Papam

 

On fait venir le meilleur psychanalyste de Rome, même si l’Eglise, comme le rappelle l’un des cardinaux, tient la notion d’inconscient pour incompatible avec celle d’âme. Le psychanalyste (interprété par Nanni Moretti lui-même) diagnostique un « syndrome narcissique ». Les cardinaux s’offusquent : cachez ce syndrome que nous ne saurions voir ! Le praticien doit bientôt reconnaître que les conditions ne sont pas réunies pour prendre en consultation le Pape. Et voilà le psychanalyste enfermé à son tour dans la citadelle vaticane, privé de portable, suspendu à la résolution de la crise de nerf papale. Bref, otage des robes rouges cardinalices. Il découvre alors que la dépression guette le Sacré Collège dans son ensemble. Tous ces cardinaux sont de pieux consommateurs d’anxiolytiques et de somnifères. Le psychanalyste leur apprend à classer les drogues : d’un côté les benzodiazépines et de l’autre les barbituriques (on se souvient que dans Journal intime Moretti vidait sa pharmacie personnelle particulièrement encombrée et finissait par jeter tous ses médicaments à la poubelle). Il décide alors d’organiser un tournoi de Volley (une sorte de coupe du monde des cardinaux – vaste thérapie de groupe – dont cependant, à son dépit, la finale lui sera refusée). On connaît l’obsession sportive et compétitrice de Moretti (cf. le water-polo dans Palombella rossa, la plongée sous-marine et le footing dans La chambre du fils). De la thérapie par le sport ou l’étourdissement du corps (cf. les manèges forains dans La chambre du fils)…

 

Habemus Papam

 

Et Melville ? Il s’est fait la malle et fréquente incognito les théâtres romains, touchant du doigt son rêve de toujours : jouer Tchekhov. Il se mêle aussi à la cohorte des fidèles, place Saint-Pierre, ou bien rencontre l’ex-épouse du psychanalyste auprès de laquelle il se dit acteur. Bientôt, le démon du théâtre s’empare de lui corps et âme. Il peut désormais rejoindre la citadelle papale et, franchissant le rideau qui le séparait de la foule des fidèles et des caméras du monde entier, accomplir un véritable coup de théâtre…

 

JLJ

Rédigé par immarcescible

Publié dans #cinéma

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