Les mystères de Lisbonne, Raul Ruiz

Publié le 15 Décembre 2010

4h26 de cinéma qui passent comme, disons, deux heures (à une heure près), une orgie de peinture, de tableaux, des « vanités », des modulations anamorphiques, des fresques, un petit théâtre vénitien qui miniaturise des destins fantasques et des destinées facétieuses, la saudade et les morues, des palais immenses et des conversations intimes, la liturgie du malheur et la rareté du bonheur, l’épopée napoléonienne, des charmeuses lusitaniennes et des pâtres en cavale, des charmeuses de pâtres (ô Stendhal, que de crimes…), des mots cachetés et des vies à crédit, le blanc suprématiste avant le noir du générique de fin, du cinéma qui ne flambe pas, mais qui flamboie, qui foisonne, qui tournoie de séquences admirables de bals en duels absurdes sur le pré au petit matin, Les mystères de Lisbonne, adapté du livre éponyme de Castelo Branco, auteur portugais du XIXème siècle, c’est tout cela, mais c’est aussi un film qui emprunte la voie buissonnière des digressions narratives dont Jacques le fataliste ou le moins connu La vie et les opinions de Tristram Shandy sont, dans le registre littéraire, quelques uns des grands précurseurs au XVIIIème siècle – notons que le cinéaste anglais Michael Winterbotton a réalisé en 2006, sous le titre en forme de clin d’oeil Tournage dans un jardin anglais, un film assez réjouissant sur le tournage d’une adaptation cinématographique impossible du roman irrévérencieux du Révérend Laurence Sterne –, Les mystères de Lisbonne, donc, c’est un vertige de narrations emboîtées les unes dans les autres, ou plutôt (et sur un mode plus pictural) une mosaïque de récits que rythme le verbe portugais dont les accents suaves nous sauvent des éructations dont ne s’honorent pas ceux qui les profèrent, c’est une quête frénétique de l’identité et tout à la fois la mise en évidence des pièges que recèle toute identification (aussi bien du côté du spectateur que de celui des personnages), et nous ne dirons rien de la réalisation qui, de mouvements de caméra somptueux en surcadrages millimétrés, ne cache pas les artifices dont elle se sert pour mieux perdre le spectateur dans le labyrinthe des époques et des lieux.

 

 

Mystères de Lisbonne

 

 

JLJ

Rédigé par immarcescible

Publié dans #cinéma

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J
<br /> Mais tout le plaisir est pour moi... Et si j'écorne les grands auteurs, ce que je n'accorde pas facilement, c'est qu'ils me placent devant le choix cornélien des mots qui les saluent.<br /> <br /> <br />
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N
<br /> Quel plaisir de te retrouver avec ce style, qui, même s'il écorne les grands auteurs, nous rappelle à leur bon souvenir.<br /> <br /> <br />
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J
<br /> Et puis sont retournés, des images à foison,<br /> vivre désemparés le reste de leur âge !<br /> <br /> <br />
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F
<br /> De ce labyrinthe dans lequel on se plaît à se perdre et se retrouver, nul Minotaure, sinon pour l'enfant devenu homme dont on pourra se demander s'il a vécu ou rêvé cette vie. Heureux qui, tels les<br /> spectateurs, ont fait ce beau voyage.<br /> <br /> <br />
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