White Material, Claire Denis

Publié le 31 Mars 2010

Au milieu de nulle part, une terre africaine enveloppée de brumes et sur cette terre (que le film ne localise pas précisément) une plantation de café. Un climat insurrectionnel règne sur la région. Les autorités françaises recommandent à leurs ressortissants de quitter le pays. La maîtresse des lieux, Maria (Isabelle Huppert, plus anorexique que jamais), est sourde à cet appel. Elle préfère ignorer le danger plutôt que de perdre la récolte prochaine. Elle ne veut pas voir que s’ouvre la saison des machettes, des lances, des fusils et des pistolets. Les ouvriers agricoles lèvent le camp, mais Maria se cramponne à son bout de terre, à sa récolte, à son orgueil, à sa folie. Des figures de mort hantent la région. L’eau stagnante se teinte de la couleur de la terre, de la couleur du sang. Le souffle épique n’est pas vraiment de mise dans le cinéma de Claire Denis. C’est un cinéma qui pique les yeux, qui irrite la gorge. C’est un cinéma profondément, viscéralement, sensible et matériel. D’une grande abstraction aussi. La poussière de la terre, les formes flottantes baignent un récit qui semble orchestré par un idiot faulknérien. Le chaos s’installe dans la région, c’est maintenant l’apocalypse, le cœur des ténèbres. Il suffit pour cela qu’un chien traverse la route : c’est Manuel (Nicolas Duvauchel), le grand fils avachi de Maria (l’autre bien qu’elle possède, avec la plantation). Le plan est bref mais sidérant. Manuel était là, à l’arrière de la camionnette. Une simple métonymie visuelle nous fait comprendre la transformation.

 

White Material

 

On le voit, nous sommes très loin de la douceur élégiaque du précédent film de Claire Denis, 35 rhums, qui était un film solaire, apollinien. La douleur orgiaque d’une guerre civile qui rôde davantage qu’elle n’explose irradie White Material, film qui creuse une autre veine, plus dionysiaque.

La musique sourde, bourdonnante, entêtante, de Tindersticks immobilise un drame qui oscille entre réalisme et fantastique social.

White Material est un grand film rude, d’une beauté âpre et coupante, qui semble aimanté par le réel.

 

JLJ

Rédigé par immarcescible

Publié dans #cinéma

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