Deep End, Jerzy Skolimowski
Publié le 24 Juillet 2011
Pour certains réalisateurs l’adolescence est, du fait des enjeux qui s’y déploient, le terrain d’élection d’un cinéma expérimental. Au début des sixties Nagisa Oshima filmait la violence et les contradictions de l’adolescence dans ses Contes cruels de la jeunesse.
Une décennie plus tard Jerzy Skolimowski, cinéaste britannique d’origine polonaise, plonge deux adolescents, Mike (John Moulder-Brown), une beauté angélique, et Susan (Jane Asher), une jolie rousse aux petits seins pommelés, dans les eaux d’une piscine anglaise dont les cabines surannées surchauffent les sens de certaines rombières peroxydées.
Mike, 15 ans, est embauché dans un établissement de bains londonien. Inexpérimenté, il se fait manœuvrer par Susan, légèrement plus âgée que lui. Il devient tragiquement amoureux de la jeune femme, elle-même partagée entre son fiancé et un maître-nageur manipulateur.
Deep End est un film dont l’esthétique stylisée fascine, un film dont les couleurs vives sont celles d’un cinéaste coloriste ; mais c’est tout aussi bien un film claustrophobe sur l’adolescence.
L’ambiance de Deep End n’est pas sans évoquer, par certains de ses aspects, celle qui baigne Eloge des femmes mûres, récit d’initiation amoureuse dans lequel Stephen Vizinczey, écrivain britannique d’origine hongroise, évoque, parmi de nombreux épisodes, une idylle non partagée entre András, le narrateur, et Ilona : « C’est par un après-midi d’hiver que je vis Ilona me faire signe du milieu de la piscine, aux Bains Lukács. J’avais pris l’habitude d’y aller nager entre les cours. C’est un lieu assez extraordinaire, un vestige rénové de l’empire ottoman : de superbes bains turcs transformés en piscine municipale, avec des cabines pour bains de vapeur, bains d’eau thermale et massages. (…) Là, en cette année la plus noire de la terreur stalinienne et du puritanisme fanatique, les femmes portaient les bikinis dernier cri de la mode italienne. (…) Dans le Budapest de 1950, c’était un acte de résistance passive. (…) Bien qu’elle approchât des trente ans, Ilona ressemblait à une adolescente. Elle avait une silhouette mince et ferme avec des petits seins rebondis comme des balles de tennis, une peau claire pleine de taches de rousseur, et des cheveux roux ramassés en queue de cheval. (…) Allongée sur le marbre aux teintes fanées, les jambes remontées, elle serrait les genoux et de temps en temps les relâchait. Tandis qu’elle cachait et montrait ses cuisses tour à tour, ses muscles bougeaient sous sa peau comme pendant l’amour. A voir son corps onduler ainsi, l’idée me vînt de la violer. (…) Je songeai à me jeter sur elle et à transpercer le satin noir. Mais, faute de pouvoir la violer, je tombai amoureux d’elle. » (Chap. 8, De la vanité et d'un amour sans espoir, pp. 90-93, Editions du Rocher, 2001)
JLJ